Chez le notaire: texte 1
Simon Roux et sa femme Marie-Louise donnent leurs biens à leur fils Antoine.
Autrefois, même sans les cellulaires ou tablettes de ce monde, certains contacts familiaux étaient immédiats. Les voisins étaient un frère, le père, un oncle, un cousin, etc. Le rang de campagne ou la rue ressemblait à un arbre généalogique vivant! Je l’ai bien perçue en effectuant mes recherches au registre foncier du Québec et en me promenant dans les rangs de St-Norbert d’Arthabaska avec Clément Boulanger, le gentil cousin de papa. 😉
Les grands-parents vivaient aussi « dans le ménage » et le grand-père finissait ses vieux jours en aidant son fils et ses petits-fils avec les travaux de la ferme.
Les liens de famille avaient une grande importance et le sentiment d’appartenance était très fort.
On connaît l’expression « bâton de vieillesse » qui désignait au sens propre la canne qu’utilisaient les personnes âgées, et au sens figuré la personne qui prenait soin d’eux.
La formule « bi-génération » ne date donc pas d’aujourd’hui! On peut en retrouver des exemples jusqu’à l’époque de la Nouvelle-France, et dans ce cas-ci, de l’époque d’après la conquête du pays:
Voici la transcription d’un acte de donation de Simon Roux et de sa femme Marie-Louise Lemay dit Poudrier à leur fils Antoine passé à Trois-Rivières, devant le notaire Jean-Baptiste Badeaux, le 29 février 1788.
Par devant Le notaire public en la province de quebec resident
aux trois Rivieres Soussigné et temoins ci apres nommés,
furent presens Simon Roux dit Sans chagrin, habitant
de Gentilly de present en Cette ville, et marie Louise lemay
dit Poudrier Sa femme qu’il autorise pour Leffet des
presentes, Lesquels Se voyant d’un age avancé et hors d’etat
de faire valoire Leur biens, ils auroient fait assembler
leurs enfans Scavoir, antoine Roux, françois Roux,
Marie Louise Roux, et joseph Geneste dit Labarre
Comme ayant épousé Marguerite Roux, et muni d’un
plein pouvoir d’elle, demeuré annexée à ces présentes,
desquels ils auroient proposé de faire un abbandon
de leurs Biens, a la charge d’une pension viagere.
Et après avoir murement examiné entr’eux, ont dits
qu’ils renonceoient à la Succession de leurs pere et
mere, aux charges ci apres déclarés. En conséquence
de quoi les dits Simon Roux et Sa femme ont
par ces presentes donné, quitté, cedé, transporté et
Delaissé des maintenant et à toujours, par donation
entrevifs et irrévocable, en la meilleure forme et
manière que donation puisse valoir et avoir lieu,
Sans esperance de la pouvoir annuller ni révocquer
pour quelque cause que ce Soit, sinon pour cause
de droit et faute D’accomplissement des clauses
ci apres mentionnés, Et pour Suretés d’icelle
promettent solidairement garentir de tous troubles,
Dettes, hipothecques et autre Empechemens géneralement
quelconques a antoine Roux dit Sans chagrin
Leur fils, ace present et acceptant, Donataire pour
lui Ses hoirs et ayant cause à l’avenir, c’est a
Scavoir, tous Leurs Biens meubles et immeubles
de quelques nature et qualité qu’ils Soyent et enquoi
ils peuvent consister, ustencils de menage et
d’agriculture, charues, charettes, Bestiaux et animeaux.
Quant aux immeubles consistans a sept arpent de
terre de front situés à Gentilly, Sur quarante
arpens de proffondeur, prenant pardevant au
fleuve St. Laurent et par derriere aux terres non
concedées, joignant au Sud-ouest à Jean michel
dit Bécot et au nord-est a joseph Gailloux
avec les Batimens qui Sont Sur icelle, Sans
dutout en rien excepter, Reserver ni retenir en
façon quelconque. Letout le donataire à dit
bien scavoire et connaitre, dont il est content et
Satisfait appartenant Laditte terre aux dits
donateurs, comme L’ayant eu d’Echange et
concession, par acte qu’ils n’ont pû representer
tant qu’a present de ce enquis, mais qu’ils S’obligent
et promettent remettre au donataire. Etant en
la censive de L honorable Joseph Chaussegros de
LEry Ecuyer + (en marge Chevalier de St. Louis), Conseiller au Conseil legislatif
de cette province, Seigneur dudit Lieu, et chargés
de quinze Sols et un chapon par chaque arpent de
front, de Rentes Seigneurialles, que le donataire
payera a l’avenir, Neanmoins quitte du passé.
Pour par ledit donataire jouir, faire et disposer
de tout ce que dessus donné en toute propriété et
comme Bon lui semblera au moyen des présentes
à commencer Laditte jouissance des ce jour d’huy et
en avant à toujours. La présente Donation faite
aux charges des cens et rentes et autres droits
Seigneuriaux, et a la charge de payer la Legitimé
Suivant La Loi a deux enfans mineurs, apres le
décès des donateurs, comme aussi de payer à joseph
Geneste dit LaBarre et marguerite Roux Sa femme
La Somme de quarante huit livres de vingt sols
De La Ste. anne prochain en quatre ans; à françois
Roux, pareille Somme de la Ste. anne prochain
et cinq ans, et enfin à Marie Louise Roux
pareille Somme de la Ste. prochain en six ans
et avec Reserve par elle de Rester dans la
Maison Paternelle jusqu’au dit paiement
ou elle sera nourris et entretenue en travaillant
comme ci devant; Et a la charge davoire soin
de Ses père Et mere, tant en santé qu’en maladies,
les Loger, chauffer, nourire, Eclairer et entretenire
et dans le cas de Maladies, les faire Soigner et
medicamenter, leur fournir en pareil cas tous
les secours tant spirituels que temporels. Et au cas
d’incompatibilité d’humeur, ledit donataire
fournira aux dits donateurs une bonne chambre
dans leur maison, ou ils seront chauffés et
Éclairés, avec un bon Lit qui sera changé de
Draps autant que de Besoin; et fournira
La pension viagere Suivante par chaque année,
Scavoir, vingt quatre minots de Bled Convertis en
farine et randu dans leur grenier; Deux cents livres
de Bon Lard; Douze pots de Rum ou eaudevie,
une vache Laitière qu’il remplacera toutes fois
et quantes elle manquera et Laquelle Sera hivernée
et paccagée par le donataire; un mouton gras
par chaque année, six de graisse et six livres
de Beure, Deux cents d’oignons; cent pommes
de choux, un minot de pois, un minot de sel,
une demie livre de poivre, Douze minots de
patates, Douzes Livres de chandelles; une demie
Douzaine de poules et le coq, qui seront
Remplacées en cas de mort. Un cheval tout
attelé et une voiture Suivant La Saison, pour
aller et venir ou ils auront affaire et au
Service divin; Se reservent un coin de terre
pour planter Six cent pieds de tabac. quant
à l’entretien Le donataire leur fournira ce qu’ils
auront Besoin Suivant leur etat et lorsqu’ils
le Demanderont. Bien entendu que laditte
pension diminuera de moitié au décès du premier
mourant, à l’exception de la vache et les poules
et le chauffage qui ne diminuront point. Et est
enttendu aussi que nonobstant ladte(ladite) pension, led (ledit)
Donataire fera soigner et medicamenter les dits
donateurs dans leurs maladies, comme il est dit ci
devant. Et arrivant leur décès, les fera inhumer
convenablement avec les autres fidels, et leur fera
chanter à chacun un service le jour de leurs
obseques, et leur fera dire à chacun douze
messes Basses de Requiem pour le repos de
Leur ames. Et pour Sureté de tout ce que dessus
les Biens susdonnés resteront obligés, affectés et
hipothecqués, et sans que ledit Donataire puisse
vendre ni aliéner les dits Biens sans le consentement
des Donateurs. Et aux clauses et conditions
ci-dessus les donateurs et leurs enfans susnommés
ont des a present transportés tous droits de
propriété, fonds, tresfonds, noms, Raisons et
généralement tout ce qu’ils pouvoient avoire
pretendre ou demander en et sur les dits Biens
Dont dutout ils se sont demis, dessaisis et
Devetus pour et au proffit Dudit donataire
Voulant et consentant qu’il en fut saisi mis
et Reçu en bonne possession et saisine par qui
et ainsi qu’il appartiendra en vertu des présentes
Lesquelles pour faire insinuer ont fait et
constitué pour leur procureur Le porteur d’icelle
Car ainsi & Promettant & obligeant &
Renonceant & fait et passé aux trois rivieres
Etude dudit notaire apres midi le vingt neuf
fevrier L’an mil sept cent Quatrevingt huit,
presence des sieurs Jacques Duplasy et
amable Bellisle, temoins demeurant en cette
ville qui ont signés avec ledit notaire les
parties ayant declarées ne scavoir signer
de ce enquis et lecture faite. (1)
/MCR 28-08-2022
La lecture peut paraître ardue, puisque c’est écrit avec les termes du français de l’époque, mais je tenais pour ce premier texte du volet chez le notaire vous faire voir la richesse des informations que nous pouvons tirer des actes notariés!
D’abord, on a compris que Simon et Marie-Louise sa femme donnent tous leurs biens à leur fils aîné Antoine avec l’obligation pour celui-ci de s’occuper d’eux et de payer une somme d’argent à son frère François (mon ancêtre), et à ses sœurs Marguerite (dont l’époux Joseph Genest dit Labarre agit pour elle sur sa permission, car à cette époque le père agit pour sa fille ou le mari agit pour sa femme), et Louise (qui en 1788, demeure encore chez ses parents, elle se mariera en 1793 avec François Houde-Houle), qui en contrepartie renoncent à la succession de leurs parents. L’acte précise les montants dus et les échéances de paiement. Il y est question aussi de deux enfants mineurs dont je sais qu’il s’agit de Louis (né en 1771) et de Marie-Anne (née en 1774).
« Lesquels Se voyant d’un age avancé et hors d’etat de faire valoire Leur biens »
En 1788, Simon Roux vieillissant peine à s’occuper de sa terre, il a 59 ans (on note que 59 ans semble être vraiment âgé à cette époque).
Simon mourra le 30 novembre 1801 et sera inhumé le lendemain à Gentilly. Il avait 72 ans. Marie-Louise lui survivra 10 ans, puisqu’elle mourra le 23 mai 1811 et sera inhumée le 25 mai à Gentilly également. Sur son acte de décès, on peut y lire qu’elle est décédée à « environ 76 ans ». Je cherche présentement son acte de naissance qui semble introuvable…
L’acte décrit parfaitement l’emplacement et la superficie de la terre de notre ancêtre. De même qu’il précise les obligations et les exigences qu’Antoine doit fournir à ses parents (animaux, soins, lit garni propre, chandelles, nourriture diverse, boisson, parcelle de terrain pour la culture du tabac, moyen de transport, funérailles et messes)
« les parties ayant declarées ne scavoir signer »
Alors ils « signaient » par des croix ou des marques comme ceci :
Ainsi de haut en bas : Simon Roux, Marie Louise Lemay, Joseph Geneste LaBarre (mari de Marguerite Roux), Antoine Roux, François Roux, puis le notaire Jean-Baptiste Badeaux
J’espère que ce texte vous a plu et qu’il a été instructif.
À bientôt,
MC
(1)Jean-Baptiste Badeaux, 1763-1803, surtout 1767-1796, BAnQ Trois-Rivières, Fonds Cour Supérieure. District judiciaire de Trois-Rivières. Greffes de notaires, (04T,CN401,S5).
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